Relation à ma porte

Publié le par Pierre-Sauveur.B

Il est temps d'y aller : de plus, je ne suis pas très en avance. J'ai tout réglé, fermé, arrêté, coupé, vérifié. L'ai-je vraiment fait pour ci? Et pour ça? Mieux vaut me rassurer en renouvelant tous les contrôles... 
 
Maintenant, faut que j'y aille... aïe, aïe, aïe... C'est bon, je vais enfin me décider à le franchir, ce seuil, ou je finirai par arriver, une fois de plus en retard à mon rendez-vous! 
 

 

Je finis par l'ouvrir, cette sacrée porte, pour me retrouver dans le danger du palier où le long couloir allant vers l'ascenseur me provoque, avec les portes des voisins, comme une haie d'honneur, chacune protégeant jalousement des mystères de vies, des aventures, des rêves, des solitudes d'abandonnique, des angoisses de frustrés, des rires, de l'ennui, des vices, des gémissements d'amour ou de mort, des pleurs d'enfant ou de femme battue, des tics, des tocs... Elles sont là, chacune assumant son rôle de protectrice, de gardienne des secrets.

 

En attendant, la mienne il faut d'abord la franchir, ensuite la fermer en la ménageant, avec doigté afin de ne pas la froisser : une caresse sur son champ, comme pour flatter l'étalon avant la victoire, un dernier regard sur le salon dans l'enfilade de l'entrée, œillade tendre pour me faire pardonner ma désertion!

 
N'ayez crainte les amis, fauteuils, toiles, livres, meubles, fétiches et autres amulettes : vous n'avez rien à craindre, je ferme la porte, vous entendrez les deux tours donnés dans la serrure et vous percevrez aussi, pour ceux qui ont une ouïe plus fine, le froufroutement de la poignée, ma dernière vérification qui rassure tout le monde : vous, moi et... la porte, confortée, adoubée dans sa mission de gardienne du foyer.
Lare peut dormir sur ses deux oreilles : Forculus veille

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