poème : L'invitation au voyage

Publié le par Pierre-Sauveur.B

à mon amie Camille, qui se plaisait à dire "aimer l'amour et la Méditerranée", ce poème de Charles Baudelaire, qu'elle aimait tant, lu à sa demande, à sa cérémonie d'obsèques : 

 

Mon enfant, ma sœur,

Songe à la douceur

D'aller là-bas vivre ensemble !

Aimer à loisir,

Aimer et mourir

Au pays qui te ressemble !

Les soleils mouillés

De ces ciels brouillés

Pour mon esprit ont les charmes

si mystérieux

De tes traîtres yeux, 

Brillants à travers leurs larmes.

 

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.

 

Des meubles luisants,

Polis par les ans, 

Décoreraient notre chambre,

Les plus rares fleurs

Mêlant leurs odeurs

Aux vagues senteurs de l'ambre,

Les riches plafonds,

Les miroirs profonds,

La splendeur orientale,

tout y parlerait

A l'âme en secret

Sa douce langue natale.

 

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté.

 

Vois sur ces canaux

Dormir ses vaisseaux

Dont l'humeur est vagabonde;

C'est pour assouvir

Ton moindre désir

Qu'ils viennent du bout du monde.

Les soleils couchants

Revêtent les champs,

Les canaux, la ville entière,

D'hyacinthe et d'or;

Le monde s'endort

Dans une chaude lumière.

 

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe , calme et volupté.

 

                         Charles Baudelaire

                         Les fleurs du mal

                                              (1857)

Publié dans POEMES

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