::::Film:::: Le diable n'existe pas

Publié le par Pierre-Sauveur.B

L'histoire

Iran, de nos jours. Heshmat est un mari et un père exemplaire mais nul ne sait où il va tous les matins. Pouya, jeune conscrit, ne peut se résoudre à tuer un homme comme on lui ordonne de le faire. Javad, venu demander sa bien-aimée en mariage, est soudain prisonnier d’un dilemme cornélien. Bharam, médecin interdit d’exercer, a enfin décidé de révéler à sa nièce le secret de toute une vie. Ces quatre récits sont inexorablement liés. Dans un régime despotique où la peine de mort existe encore, des hommes et des femmes se battent pour affirmer leur liberté.

 

 Mon regard 

 

Ce film de l'Iranien Mohammad Rasoulof, a obtenu l'ours d'or de Berlin en 2020, il est sorti dans les salles en 2021, période où le cinéma a connu une forte baisse de fréquentation (COVID). J'ai pu le découvrir sur la plateforme d'ARTE. 

 

"Le diable n'existe pas" est construit sur la volonté de filmer des personnages au bord d’un abîme invisible et indicible. Le réalisateur ne force pas sur les larmes, comme souvent le cinéma a tendance à le faire. Il accompagne des gens ordinaires, sensibles, dans la continuité du désarroi de leur quotidien, des gens qui n’ont rien de diabolique, mais que leur place dans la société iranienne soumet à une épreuve intérieure.

J'ai trouvé  ce filmempreint d’humanité et de poésie. Quatre récits le composent, intimement mêlés par les notions de liberté de conscience et de peine de mort en Iran, comme des apostrophes philosophiques et politiques adressées à un pays qui ne se soucie plus, depuis longtemps, du droit de son peuple à penser le sens de la vie et la légitimité des lois.

Le réalisateur a réussi à me faire trembler, par son écriture courageuse qui prend toute la place sur l’écran. Il raconte, dans une douceur troublante et un désir assumé de démonstration, des tranches de vie sur la privation de liberté qui étouffe les individus.

Il y a des personnages qui tentent de braver les interdits, mais il y a aussi la majorité, qui subit, dans la douleur et la honte, le destin assigné par l'autorité étatique. Mohammad Rasoulof brosse avec beaucoup de prudence et de nuance, sans choisir la tempête ou les cris pour dénoncer les dysfonctionnements, les nombreux thèmes de l'Iran d'aujourd'hui.

Des décors magnifiques et le soin particulier de la photographie, accompagnent les personnages dans leurs tragiques destinées, comme si l’auteur avait préféré à la dénonciation colérique et anarchique, la splendeur des paysages. L’esthétique de l’œuvre m'a paru être ici un acte de rébellion.

Les femmes habitent les quatre récits avec beaucoup de dignité. Elles permettent aux hommes qui les entourent d’exprimer leurs trahisons intérieures et de se sortir des tourments où le régime les enferme. Elles sont partout dans le récit, fortes et fragiles, intègres et vulnérables. Elles sont le ciment liant les paroles qui se délitent. Elles redonnent à la liberté, le nom qu’elle mérite.

Pour moi, "Le Diable n’existe pas" n'est pas "un film de plus" ajouté à mes découvertes, c’est une grande œuvre pour nourrir mes réflexions sur l’état du monde dans lequel je vis, une œuvre universelle qui illustre la liberté d’expression et de pensée, le droit à l’intelligence.

 

Publié dans FILMS

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